Débat sur le rôle du Conseil Syndical

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En réponse à l’article de l’ARC

Chère Madame, Cher Monsieur,

Je vous écris à la suite de votre article « Faites confiance au conseil syndical et à son Président » publié sur votre site le 20 septembre 2019, consultable en cliquant ici.

Votre article vient en réponse à mon entretien auprès des Informations Rapides de la Copropriété (IRC) «un conseil syndical trop puissant pourrait devenir une entrave à l’action du syndic», consultable en cliquant ici.

L’objectif de ces entretiens des IRC est de partager les avis de différents praticiens et d’organiser un « grand débat » sur la réforme de la copropriété en cours, auquel nous nous livrons.

La question de ce  débat est de savoir si le conseil syndical devrait recevoir une habilitation pour agir en justice à l’encontre du syndic en cours de mandat pour manquement de ce dernier, conformément à l’amendement que vous aviez proposé, et plus largement, dans quelles mesures ses pouvoirs devraient être élargis.

A mon sens, le conseil syndical ne paraît pas à lui seul légitime pour intenter une telle action et l’augmentation de ses pouvoirs poserait des problèmes tant sur le plan théorique que pratique.

  1. Sur la légitimité respective du conseil syndical et du syndic professionnel

En pratique, lors de la résolution concernant le vote des membres du conseil syndical, ces derniers sont souvent élus à mains levées sur la base d’une brève présentation (au mieux lorsqu’ils ne sont pas pointés, en l’absence de volontaires, par d’autres copropriétaires qui arrachent le consentement du copropriétaire récalcitrant à assumer cette noble fonction !).

A l’inverse, le syndic est élu au terme d’un vote sur la base d’un contrat qui a été adressé avec la convocation au moins 21 jours avant l’assemblée (article 9 du décret du 17 mars 1967) et d’une mise en concurrence (article 21 de la loi du 10 juillet 1965).

Le conseil syndical est souvent élu séance tenante (sans que l’on connaisse ni les véritables motivations des candidats qui parfois peuvent relever de considérations personnelles, ni les éventuelles compétences de ces derniers).  Enfin, le conseil syndical se réunit pour choisir son Président sans exiger de ce dernier aucune garantie de sa part, telle qu’un extrait de son casier judiciaire ou une formation particulière.

A l’inverse, le syndic professionnel a souvent été rencontré plusieurs fois auparavant, il est titulaire d’une carte professionnelle « syndic », d’une obligation de formation continue, d’une caisse de garantie, d’une responsabilité civile professionnelle, de règles strictes en matière de comptabilité et de contrôles de la DGCCRF, etc.

En conséquence, le syndic est à la fois plus légitime et plus professionnel qu’un conseil syndical ou son Président.

Son mandat s’accompagne donc d’un certain nombre de garanties pour l’ensemble des copropriétaires.

Au surplus, en cas de faute, la responsabilité du syndic peut-être recherchée, alors que le conseil syndical en tant qu’organe consultatif bénéficie d’une impunité en l’absence de personnalité morale.

2. Sur les questions d’ordre juridique et pratique liées à l’éventuelle augmentation de ses pouvoirs et du droit d’agir en justice

L’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que le « conseil syndical assiste le syndic et contrôle sa gestion ».

Vous prétendez que le conseil syndical devrait disposer de bien plus de prérogatives sans pour autant se voir reconnaître une personnalité morale.

A titre liminaire, si le conseil syndical ou « conseil d’administration » venait à disposer de pouvoirs élargis notamment concernant le pouvoir de choisir des prestataires de travaux, il est fort à parier que les « abus » qui étaient reprochés à certains syndics professionnels se traduisent de manière encore plus prégnante.

Par exemple, certains conseillers syndicaux pourraient être amenés à percevoir des rétrocommissions en provenance de certaines entreprises pour la réalisations de travaux.

De la loi SRU du 13 décembre 2000, la loi ALUR du 24 mars 2014 jusqu’à la récente loi ELAN, les règles comptables, contrôles et contraintes se sont accrus pour les syndics professionnels, mais ils ne s’appliqueraient toutefois pas au conseil syndical qui pourrait ainsi exercer ses délégations impunément ?

Il s’agirait alors de demander plus de droits et missions pour cet organe sans leurs corollaires : les devoirs et responsabilités correspondantes.

Je maintiens donc que cette évolution pourrait provoquer des déséquilibres graves que je pointais également dans cet article que vous pouvez relire en cliquant ici.

Vous relevez à juste titre que le conseil syndical peut déjà agir en justice contre le syndic au titre de l’article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 pour solliciter notamment la transmission des archives et des fonds. Cependant, vous avez omis de rappeler que cette action spécifique se fait contre l’ancien syndic, souvent en l’absence de nouveau syndic désigné.

Si le conseil syndical venait à pouvoir agir en justice contre le syndic en cours de mandat sans avoir recueilli au préalable l’autorisation de l’assemblée générale, cela reviendrait à confisquer les droits de l’ensemble des copropriétaires vis-à-vis du syndic professionnel dument désigné au profit d’une poignée d’hommes à la légitimité moindre !

Ces derniers pourraient facilement menacer le syndic de pénalités puis d’une action judiciaire à son encontre s’ils n’obtiennent pas de ce dernier ce qu’ils veulent (renoncement à une action en recouvrement de charges, droit de percer un mur porteur, de bénéficier d’une toiture-terrasse, etc.).

De plus, si l’action venait à être infondée, en l’absence de personnalité morale, l’ensemble des copropriétaires supporterait les conséquences financières d’une action dont ils ne voulaient peut-être pas. Il s’agirait là d’une atteinte à la propriété collective.

En pratique, si le syndic a commis une faute, seule l’assemblée générale, organe démocratique, devrait pouvoir décider de le révoquer et de l’assigner.

Sa révocation paraît plus heureuse que d’intenter une action judiciaire à son encontre en cours de mandat, au risque de paralyser l’action du syndic, organe exécutif.

On rappelle qu’il est jugé de manière constante que malgré la durée prévue au contrat de syndic la révocation en assemblée générale est permise en cours de mandat à tout moment (Cour de Cassation, Civ. 7 mai 2014).

Lors de cette assemblée générale, nous préconisons de mettre à l’ordre du jour à la demande du conseil syndical ou de tout copropriétaire : la révocation du syndic en place, le vote du mandat d’un nouveau syndic et éventuellement l’autorisation d’agir en justice à l’encontre du syndic révoqué pour les manquements reprochés.

Ainsi, les différents organes de la copropriété ne seraient pas opposés en cours de mandat et pourraient continuer à œuvrer ensemble dans l’intérêt du syndicat des copropriétaires, jusqu’à un éventuel point de rupture.

Si une action judiciaire à l’encontre du syndic est votée c’est que la perte de confiance est actée et consommée.

En conséquence la décision d’assigner et de révoquer vont de pair plutôt que d’assigner tout en conservant le syndic en place.

Cette solution, juridiquement comme pratiquement va dans l’intérêt de tous : syndicat des copropriétaires, syndic et conseil syndical.

A l’exception, peut-être de certains professionnels au sein d’une association cherchant à entretenir l’esprit de querelle…

Il serait paradoxal de conserver le syndic aux affaires et de l’attraire en justice en même temps : Le syndic, on le garde ou on le quitte.

Ces discussions sont en cours de discussion depuis la publication de l’ordonnance du 31 octobre 2019 dans le cadre de l’adoption d’une loi de ratification. Afin d’en connaître le contenu, vous pouvez cliquer ici

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