La mise en copropriété des immeubles neufs depuis la loi ELAN

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La mise en copropriété d’immeubles neufs soulève de nombreuses problématiques à la fois sur le moment de la mise en copropriété et sur les diligences à la charge du promoteur et du syndic provisoire pour assurer une gestion performante de l’ensemble immobilier dès son origine.

Les récentes évolutions des règles régissant la copropriété apparues avec la loi ELAN du 23 novembre 2018 (n° 2018-1021) et l’ordonnance du 30 octobre 2019 (n° 2019-1101) ont permis de clarifier l’articulation des règles concernant le champ d’application du statut de la copropriété, la réception de l’ouvrage , la livraison des lots et l’éventuelle mise en œuvre des garanties légales.

Quelles sont les conditions d’application du statut de la copropriété pour un immeuble neuf ?

Les conditions cumulatives d’application du statut de la copropriété sont précisées à l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965.

En vertu de ce texte, le statut s’applique : sur un immeuble ou un groupe d’immeuble bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes chacune titulaire d’un lot comprenant une partie privative et une quote-part de parties communes.

L’acquisition du régime de la copropriété est automatique dès lors que les conditions sont remplies sans que des démarches complémentaires soient nécessaires et cela même :

  • en l’absence de règlement de copropriété ;
  • si la copropriété ne comprend que deux copropriétaires ;
  • si le syndicat des copropriétaires n’est pas encore immatriculé.

Cependant, le statut de la copropriété ne peut s’appliquer pendant la période de construction (Cass. Civ 3 ème, 16 décembre 2008 n°07-20.373) puisque l »une des conditions est que l’immeuble soit bâti.

Il est jugé que pour être considéré comme bâti au sens de l’article 1, l’immeuble devait être au moins pour partie habitable, ce qui implique que les premiers lots aient été livrés (CA Paris, 20 juin 2001 n°2000/08477).

La première livraison ne pourra intervenir qu’à compter de l’achèvement de l’immeuble (article R261-1 du Code de la construction et de l’habitation) : « lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement qui sont indispensables à l’utilisation, conformément à sa destination (…) »

A quel stade le statut de la copropriété est-il applicable pour un immeuble à construire ?

La loi ELAN solutionne ces questions en insérant dans la loi du 10 juillet 1965 un article 1er-1 définissant la date d’entrée en vigueur du statut de la copropriété selon ces deux hypothèses :

« En cas de mise en copropriété d’un immeuble bâti existant, l’ensemble du statut s’applique à compter du premier transfert de propriété d’un lot.
Pour les immeubles à construire, le fonctionnement de la copropriété découlant de la personnalité morale du syndicat de copropriétaires prend effet lors de la livraison du premier lot »

Avant cette livraison, lors d’une cession à la date du transfert de propriété, le statut de la copropriété est uniquement « en germe ». Après la livraison du premier lot, le fonctionnement de la copropriété est mis en oeuvre par le syndic provisoire désigné dans le règlement prend fonction.

Dans des programmes constitués de plusieurs bâtiments, il est fréquent que leur édification ne soit pas simultanée et que le promoteur se réserve la construction de futurs lots qu’il a préalablement vendus ou non.

Pour ces lots, l’application stricte du statut de la copropriété peut poser des difficultés étant donné que les lots en question ne sont pas encore achevés.

Quel est le régime des lots restant à construire désignés de « lot transitoire » ?

Cette pratique des promoteurs a été reconnue par la jurisprudence. Elle est désormais consacrée à l’article 1er al 2 de la loi du 10 juillet 1965 qui impose de prévoir l’intégration des lots dans le règlement de copropriété :

« Ce lot peut être un lot transitoire. Il est alors formé d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser sur une surface déterminée du sol, et d’une quote-part de parties communes correspondantes.  La création et la consistance du lot transitoire sont stipulées dans le règlement de copropriété. ».

Le copropriétaire d’un lot transitoire a des droits et des obligations, il est jugé que :

  • le titulaire du lot est tenu de régler les charges afférentes à l’entretien, la conservation et l’administration des parties communes générales (Civ.3ème, du 7 avril 2004, 02-14.670). ;
  • les possibilités de constructions sont délimitées dans l’état descriptif de division et le règlement de copropriété : pour toute modification le promoteur devra obtenir l’accord de l’assemblée générale (Cass. 3ème 4 novembre 2010 n°09-70.235) sauf à risquer la démolition des constructions irrégulières (Cass. 3ème civ., 12 septembre 2019, 18-19.232) ;

Les lots nées de cette division sont ensuite construits puis vendus et les lots transitoires disparaissent.

Lors de la rédaction des règlements de copropriété, il conviendra de veiller à ce que le  :

  • le droit à construire soit précisément défini ;
  • le droit de construire doit impérativement être assorti d’une quote-part de parties communes ;
  • le lot transitoire doit apparaître dans le règlement de copropriété et non pas uniquement dans l’état descriptif de division.

A défaut, le lot encourt la nullité et l’exercice du droit de construire ne pourrait être mise en oeuvre.

En application de l’article  206 de la loi ELAN, les règlements de copropriété préexistants doivent être mis en conformité dans un délai de 3 ans à compter du 23 novembre 2018, date de sa promulgation soit jusqu’au 23 novembre 2021  :

A cette fin, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question de la mise en conformité du règlement de copropriété. Cette décision est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés.

Comment organiser la future mise en copropriété de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier ?

En amont, pendant la phase d’élaboration du programme, le promoteur va préparer l’état descriptif de division ainsi que le règlement de copropriété qu’il soumettra ensuite aux acquéreurs en annexe du contrat de vente.

Le règlement de copropriété va désigner un premier syndic, aussi appelé « syndic provisoire ».

Celui-ci peut également, depuis la loi ALUR, être désigné par « tout autre accord des parties » (article 17 de la loi du 10 juillet 1965).

Le syndic provisoire doit exiger du promoteur un certain nombre de documents :

  • le règlement de copropriété (avec un état descriptif de division et des plans) dont il doit vérifier la teneur ;
  • une liste des copropriétaires et des réservataires ;
  • une copie de l’arrêté de permis de construire ;
  • les contrats d’assurances souscrits par le promoteur (dommage-ouvrage, multirisque)
  • la liste des intervenants et leur police d’assurance ;
  • les contrats d’entretien et de fourniture de l’immeuble ;
  • les plans de recollement des réseaux ;
  • les clés des locaux communs.

Les premières dépenses de la copropriété sont réglées grâce à des provisions prélevées lors de la vente des lots auprès des acquéreurs ou d’une avance réalisée par le promoteur.

Le syndic provisoire doit convoquer une première assemblée générale, avant l’épuisement de ces fonds, durant laquelle sa gestion et ses comptes doivent être approuvés ainsi que le budget provisionnel du premier exercice.

Le syndicat des copropriétaires ratifiera son mandat et, après mise en concurrence préalable de plusieurs contrats de syndics, désignera le premier syndic.

Qui peut mettre en œuvre les garanties légales au titre des éventuels désordres affectant l’immeuble ?

Dans un premier temps, la réception de l’ouvrage concerne la relation entre les constructeurs et le maître d’ouvrage (le promoteur) puis la livraison concerne la relation entre le promoteur et les acquéreurs. En pratique, les promoteurs procèdent souvent à la réception en même temps que la livraison.

Toutefois, il convient de distinguer :

En premier lieu, le promoteur en sa qualité de maître d’ouvrage va réceptionner l’ouvrage en présence des constructeurs et du maître d’œuvre. Il peut faire valoir des éventuels manquements des entreprises, par rapport aux marchés conclus, par la consignation de réserves dans le procès-verbal de réception.

La réception marque également le point de départ des garanties légales dont le promoteur va bénéficier des garanties légales (garantie de parfait achèvement, garantie de bon fonctionnement et garantie décennale) qu’il va ensuite transférer aux acquéreurs au moment de la livraison.

Ensuite, la livraison intervient entre le promoteur et le syndic provisoire pour les parties communes et les acquéreurs pour les parties privatives. La livraison permet de consigner, dans un procès-verbal, l’ensemble des défauts, malfaçons, manquements contractuels visibles venant en contradiction avec le descriptif contractuel annexé aux actes de vente.

Dans le cadre d’une vente d’immeuble achevé, tous les défauts visibles n’ayant pas été consignés sont réputés acceptés par l’acquéreur.

Dans le cadre d’une vente en VEFA, l’acquéreur dispose, en vertu de l’article 1642-1 du Code civil, de la garantie des vices apparents. Cette dernière lui permet de compléter la liste des réserves dans le délai d’un mois après la livraison.

Elle permet également dans un délai d’un an afin de solliciter, auprès du vendeur, la réparation de l’ensemble des vices et défauts de conformité apparents signalés le jour de la livraison.

La mise en copropriété s’applique-t-elle à la totalité des ensembles immobiliers incluant plusieurs propriétaires ayant des droits privatifs et des droits indivis sur des espaces communs ?

L’article 2 de l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 entrant en vigueur au 1er juin 2020 permet à certaines catégories d’immeubles ou d’ensembles immobiliers de déroger au statut de la copropriété.

Il s’agit des :

  • immeubles ou groupe d’immeubles bâtis à destination totale autre que d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes (centres commerciaux, bureaux…) ;
  • ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des volumes, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles ou des volumes, bâtis ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs (lotissement, cour commune..)

Il convient de prévoir une convention qui prévoit d’exclure le statut de la copropriété et qui convient de la création d’une structure dotée de la personnalité morale afin de gérer les éléments et équipements communs à l’instar d’une association syndicale libre (ASL) ou d’une association foncière urbaine libre (AFUL).

Cette application du statut de la copropriété dans les grands ensembles dispense les propriétaires de mettre en œuvre des montages complexes comme la scission en volumes ou la constitution de syndicats secondaires.

Pour les ensembles immobiliers et immeubles préexistants et réunissant ces critères, il est également possible de sortir du régime de la copropriété par une convention votée en assemblée générale à l’unanimité des voix des copropriétaires composant le syndicat.

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